Or Bleu Festival - Retour d'expérience des week-ends "Eau potable" et "Eau et Biodiversité"

Publié par Or Bleu Festival, le 12 juillet 2023   620

Début juillet, dans le cadre du festival photographique Or Bleu, à La Roche-Posay, deux week-ends à thème ont eu lieu. Le premier week-end, aux dates des 1er et 2 juillet, était consacré à l'eau potable. Le second s'étendait du vendredi 7 au dimanche 9 juillet et concentrait son attention sur l'eau et la biodiversité. 

Le samedi 1er juillet, nous avons eu le plaisir d'accueillir deux étudiants de l'École Nationale Supérieure d'Ingénieurs de Poitiers (ENSIP) qui ont imaginé , exclusivement pour le festival, un atelier sur le traitement de l'eau potable. Toute la journée, grâce à une maquette d'une usine de traitement de l'eau, les visiteurs ont mieux compris quelles étaient les différentes étapes qui permettent au liquide, par exemple puisé dans les rivières , d'être potable en sortant de l'usine. Les deux expériences illustraient deux moments du traitement : la coagulation floculation,  nécessaire pour retirer les particules solides en suspension dans l'eau; le traitement au charbon actif, ayant pour but de retenir les composants organiques dissous. La question du traitement de l'eau étant une problématique très actuelle, l'atelier a suscité de nombreuses questions de la part du public, désireux de mieux comprendre l'état actuel des techniques, les axes d'améliorations, ainsi que les enjeux du traitement de l'eau face à des découvertes récentes de pesticides ou autres polluants dans certaines analyses. En ce sens, l'atelier a réussi à rendre accessible un procédé inconnu et a faire écho à des questions d'actualité. De surcroît, cette première expérience de médiation pour les deux étudiants est venue finaliser le projet pédagogique, comptant pour leur formation, qu'était la création et la mise en place de cet atelier.

L'après-midi, à l'occasion de la table ronde Quelle eau pour demain ?, nous recevions un collège de spécialistes venus dresser un bilan de la qualité et de la quantité de la ressource, et notamment de l'eau potable. L'événement était animé par le professeur Bernard Legube, professeur émérite de l'Université de Poitiersprésident du conseil scientifique de l'Agence de l'Eau Adour-Garonne, et parrain scientifique de notre festival. La table ronde s'est concentrée sur trois points que sont l'état de la ressource, le traitement de l'eau, ainsi que le lien entre eau et santé. Lors de sa mise en place, nous avions opté pour une approche locale et nationale, afin de répondre au mieux aux questionnements des Rochelais et d'être au plus proche de la situation de notre station thermale.

Concernant l'état de la ressource, Carine Fortin, responsable du pôle Observatoire Eau à l'Agence Régionale de la Biodiversité - Nouvelle-Aquitaine (ARBNA), a débuté par dresser un état des lieux de la ressource dans le département, soulignant une baisse du débit des eaux de surface mais une amélioration de leur qualité. Julien Prince, directeur général du Centre Thermal de La Roche-Posay, a concentré son attention sur l'eau thermale, faisant remarquer que le niveau des nappes phréatiques remonte depuis 2011. Puis Yves Kocher, directeur général des services d'Eaux de Vienne, a fait le constat d'une baisse du niveau général des nappes phréatiques dans le département.

Ce dernier a par la suite expliqué plus précisément le rôle d'Eaux de Vienne dans le traitement et la distribution de l'eau potable sur le département, à l'exception du Grand Poitiers. Son intervention a été suivie de celle de Frédéric Granet, directeur technique Eau et Environnement chez Andritz/Euroslot, entreprise autrichienne installée, pour sa branche française, à Scorbé-Clairvaux. L'intervenant a expliqué pourquoi l'entreprise est novatrice dans les étapes de pré-traitement de l'eau, notamment la filtration des particules solides.  Ce fut également l'occasion de faire le point sur certaines techniques de filtration plus récentes et efficaces , telles que les membranes.

Par la suite, la question de la santé a vu l'intervention de Philippe Vansyngel, responsable pôle bi-départementale Santé, Environnement Vienne et Charente de l'Agence Régionale de Santé (ARS), nous résumer le rôle de contrôle de l'eau et d'alerte de la population que joue l'ARS en cas de non respect des normes de potabilité. Julien Prince s'est également exprimé sur les particularités de l'eau de La Roche-Posay servant pour le thermalisme, en appuyant le fait que cette eau est à part vis-à-vis de celle du réseau quotidien.

Faisant de nouveau un tour de table, les participants se sont exprimés à propos de l'impact du changement climatique sur l'eau, notamment sur la modification de la qualité de l'eau due au réchauffement climatique, et ont appuyé la nécessité de s'adapter à de nouvelles contraintes. Un temps d'échange avec le public a conclu cette table ronde riche en informations, et de nombreuses questions ont éclairci des points sur la situation locale.

Le dimanche, l'escape game L'inf'eau à la source était la dernière activité programmée lors de ce premier week-end. Proposé par l'UFR Sciences et Techniques de l'Université de Tours, il proposait aux visiteurs un biais ludique pour s'informer sur l'eau potable, les différences entre l'eau du robinet et l'eau en bouteille, ainsi que la provenance de l'eau qui sort du robinet. Plusieurs familles ou ami.e.s sont venu.e.s se tester à la résolution d'énigmes dans le temps imparti de 30 minutes. Ceux qui y sont parvenus ont fait fonctionner leur esprit afin de mêler capacité d'analyse, recherche d'indices, compréhension de carte et lecture de schéma géologique, le tout afin d'en déduire que l'eau d'Evres (37), commune sur laquelle était fondé le jeu, est une eau captive des nappes depuis plusieurs milliers d'années.

Le second week-end temps fort, visant à expliciter le lien entre eau et biodiversité, a débuté dès le vendredi 7 au soir. En introduction, la chorale des P'tits Ruisseaux a interprété un répertoire autour du thème de l'eau, sur la place de la République. Puis la soirée s'est poursuivie par la projection de trois documentaires de Robert Luqués, en présence de celui-ci. Focalisés sur la faune de la Réunion, plus précisément les bichiques, les anguilles de la Réunion et la loche des sables, les films participent à la sensibilisation autour de ces espèces, certaines endémiques, et mises en danger du fait de l'action de l'Homme. Suite à cela, le public a pu échanger avec Robert Luqués et comprendre les coulisses de la réalisation.

Le samedi, le festival recevait l'École de l'ADN de Poitiers pour l'atelier scientifique Invisible Biodiversité à propos de la vie présente dans l'eau, mais impossible à voir sans l'aide d'outils. Pour l'occasion, l'École de l'ADN avait alors installé un véritable laboratoire composé de dix microscopes dont deux Leica raccordés à des écrans. En commençant par (ré-)apprendre à se servir d'un microscope, le public s'est amusé à explorer des gouttes ou milieux humides prélevées à différents endroits: eau de marre, eaux vives, mousses, etc... Pour l'occasion, des prélèvements de la Creuse faits le jour même à La Roche-Posay ont pu être passés sous l'optique des microscopes ! Un public nombreux, de tout âge, a appris à reconnaître les différents être vivants et leurs principales caractéristiques, notamment leur importance dans l'absorption du CO2 et le rejet d'O2. Grâce à la présence de Gaëlle Bednarek, doctorante, nous avons pu profiter de l'observation d'amibes, organismes unicellulaires très présents dans l'eau. De plus, une série de photographies spécialement tirées pour l'atelier donnaient à voir ces présences vivantes via différents microscopes de haute performance. L'atelier a rencontré un franc succès et la plupart des visiteurs ont passé plusieurs dizaines de minutes à faire le tour de tous les postes.

Le dimanche, deux événements étaient programmés pour continuer de creuser les liens entre l'eau et la biodiversité. La matinée était consacrée à une promenade pédagogique menée par Amandine Pouzet, du Syndicat d'Aménagement Gartempe et Creuse (SYAGC). La balade se déroulait en bord de Creuse. Le discours était tourné vers l'observation et l'analyse du paysage et de l'écosystème présents sous nos yeux. Parti du moulin, le groupe a remonté la Creuse en suivant le canal d'amenée. Marquant plusieurs arrêts, la visite a permis de comprendre quelles étaient les différentes partie qui composent la rivière et ses rives, ou encore qu'elle était la flore présente au sein de la ripisylve. La guide s'est également arrêtée devant l'exposition de Yannick Gouguenheim, dont les photographies compilent un ensemble de poissons présents dans les cours d'eau en France, afin d'expliquer l'importance de la présence de bioindicateurs dans nos cours d'eau, ou à l'inverse celle d'espèces exotiques envahissantes (EEE). Une fois un point fait sur les travaux d'aménagement réalisés par le SYAGC pour réhabiliter les cours d'eau et les entretenir, la visite s'est terminée sur le viaduc surplombant la Creuse, permettant de jeter un regard d'ensemble sur ce qui a été expliqué précédemment. Une nouvelle fois, l'activité a su susciter l'intérêt du public en axant le propos sur ce qui était au plus proche de nous.

En clôture de ce week-end temps fort avait lieu une autre table ronde répondant à la question "Eau et biodiversité: quelles relations avons-nous avec les milieux aquatiques ?". Comme pour la table ronde de la semaine précédente, un cortège de spécialistes et d'acteurs locaux sont intervenus, sous la direction d'Alain Dutartre, président de l'ARBNA. L'événement faisait partie du programme des Rendez-vous de la biodiversité de l'ARBNA. 

En introduction, Alain Dutartre a rappelé ce qu'était la biodiversité, c'est-à-dire l'ensemble du vivant, et l'effet des actions de l'Homme sur la biodiversité et la présence de certaines espèces dans nos régions. Cela fut suivi de l'explication des conditions sine qua non de la présence de la biodiversité dans les milieux aquatiques par Frédéric Grandjean, responsable de l'équipe Écologie Évolution Symbiose de l'Université de Poitiers. L'universitaire a notamment insisté sur l'importance de la température de l'eau pour la survie de certaines espèces et les échanges physico-chimiques. Prenant appui sur le cas du Parc Naturel Régional de la Brenne (PNR Brenne), la chargée de mission Environnement de celui-ci, Aurore Coignet, a développé le cas des écrevisses de Louisiane et des dégâts qu'elles causent, ainsi que les conséquences sur les écosystèmes des étangs. Puis Marie Gachignat, apprentie au conservatoire d'espaces naturels Centre - Val de Loire, s'est appuyée sur l'exemple des papillons de nuit pour expliciter les actions entre les communautés vivantes au sein des milieux. 

Dans un deuxième temps, Frédéric Grandjean est revenu sur l'état écologique des milieux aquatiques et les moyens de juger de celui-ci, notamment par la présence d'espèces bioindicatrices. Valentin Cognard, chargé de mission Atlas de la Biodiversité Communautaire - Grand Poitiers, nous a livré une explication de l'inventaire de la biodiversité, et de l'importance de la diffusion d'une partie des informations auprès des habitants et des élus locaux, pour favoriser la prise de décision politique et les actions de préservations. Marie Gachignat est également revenue sur l'expérience de Dissay (86) et les actions menées autour des zones humides

Un troisième temps a mis l'accent sur la question de la gestion des milieux aquatiques, notamment vis-à-vis des espèces à protéger ou à contrôler. Amandine Pouzet a mis l'accent sur les interventions du SYAGC concernant les EEE, et particulièrement la jussie. Elle a expliqué que la gestion de celle-ci implique des campagnes d'arrachage à la main, durant plusieurs mois à la belle saison, afin de réduire les massifs. Aurore Coignet s'est expliqué à propos de l'importance des piégeages des écrevisses de Louisiane, en collaboration avec les propriétaires d'étangs sur le territoire du PNR Brenne, et a rappelé les consignes de ne pas transporter vivantes les écrevisses pour ne pas risquer d'autres contaminations. Elle a également souligné la nécessité d'un suivi après les actions menées pour endiguer leur propagation. 

A la suite de cette table ronde une nouvelle fois de grande qualité, les personnes présentes ont posé de multiples questions concernant la situation locale. Afin de terminer sur une note conviviale, les intervenants et les personnes du public ont été invitées à partager un verre et des melons sous le kiosque de la place de la République. Cela a permis de continuer certains échanges et de prolonger un peu les festivités. 

L'ensemble de ces deux week-ends est très satisfaisant. Les événements proposés étaient tous d'une grande qualité et ont véritablement favorisé l'approfondissement de certaines notions auprès du grand public. Nous sommes heureux de voir que notre mission de sensibilisation autour de l'eau a pu intéresser un public varié, de tout âge, et curieux de découvrir tout ce que recouvre l'eau d'un point de vue scientifique, environnemental, écologique, etc...