Des fossiles d'hier à la biodiversité de demain, quel avenir pour le vivant ?
Dans le cadre de l'inauguration de l'espace "100 millions d'années sous les mers" abritant une extraordinaire collection de poissons-fossiles du Liban vieux de 100 000 millénaires, le Musée Mer Marine reçoit Gilles Boeuf, professeur émérite à Sorbonne Université, professeur invité au Collège de France et ancien président du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris. Océanographe, spécialiste de physiologie environnementale et de biodiversité, Gilles Boeuf reviendra sur la grande histoire du vivant :
La vie émerge dans l’océan ancestral vers 4 000 millions d’années (Ma). Puis elle se différencie entre les milieux littoraux et terrestres vers 1 000 Ma pour les cyanobactéries, 450 Ma pour les pluricellulaires plus organisés, champignons, plantes et animaux. Les poissons fossiles du Liban sont datés de la fin du crétacé autour de 90-100 Ma et vivaient en milieu littoral peu profond, littoral qui fut le siège des sorties de l’eau et du passage de la respiration aquatique à la respiration aérienne. L’humain, quant à lui, se différencie en Afrique entre 4 Ma et 400 000 ans. Bien entendu, il ne saurait être question ici de « sortir » l’humain de la biodiversité et de la nature, il en fait partie, mais il s’est si singulièrement comporté qu’il est aujourd’hui devenu la plus puissante force évolutive sur notre planète. Les « grandes dates » de l’expression de cette « singularité », tout en demeurant profondément animal, ont été la domestication du feu, il y a plus de 1,5 Ma, en Afrique, puis l’invention de la culture de végétaux et la domestication d’animaux vers 12-8 000 ans, et enfin l’invention de la machine à vapeur et la soif d’énergies fossiles à la fin du xviiie siècle. L’invention et l’utilisation de la bombe atomique en 1945 lance une course au « progrès » frénétique, en accélération constante, doublée d’un « boom » démographique sans précédent puisque nous avons multiplié par 4 le nombre d’individus sur 80 ans. Les travaux récents sur l’incroyable interrelation entre les microorganismes et les plantes et animaux amènent à penser bien différemment l’évolution biologique et les bases de l’écologie aujourd’hui. Alors, passer de faber à sapiens doit impliquer le respect, le partage, la tolérance, l’humilité, la prévoyance et de rompre avec la cupidité ! La recherche scientifique est encore plus indispensable dans un tel contexte. Acceptons définitivement que nous sommes dans cette biodiversité, pas à côté, que nous avons besoin des autres, et trouvons les moyens de nous ré-harmoniser avec le vivant. Puissent les 15 gènes de ce Coronavirus tout récent représenter l’électrochoc collectif salutaire dont nous avons tant besoin.
De 17:00 à 18:00