Conférence - débat

"Quand l'artiste sculpte l'arbre qui cache la forêt"

Deux projections distinctes et complémentaires mais réunies dans un temps unique, qui interrogent le geste artistique à l'aune des interactions/combinaisons étroites qu'il autorise entre l'homme et l'univers végétal. L'arbre d'abord appréhendé comme support devient ici, sous la main des sculpteurs Giuseppe Penone et Jean Tinguely, bien plus qu'une réalisation "sculpturale" l'exemple même d'un corps sensible en relation avec l'homme et la nature, autant qu'avec le temps dont il révèle les cicatrices du passage.

Présentation des films projetés :

1/2 = "Giuseppe Penone, les chemins de la main" de Thierry Spitzer (documentaire de 51 minutes)

Cela commence à Turin, dans l’atelier de Giuseppe Penone, quand y arrive le tronc d’un grand cèdre, et s’achève sur l’accueil de cet arbre sculpté au Centre Pompidou à Paris pour la rétrospective consacrée à l’artiste en avril 2004. Le leitmotiv du travail de Penone sur cette sculpture rythme la vision générale de son parcours, dont il commente certaines phases, depuis la fin des années 1960, où il était le plus jeune membre de l’Arte Povera.
Être ou matière autre, fluide, souple, l’arbre est cet être de mémoire à la rencontre duquel se rend l’humain Penone. Parfois il en retrouve le contour naturel dans le "produit culturel" qu’est la poutre ; parfois, grâce aux cernes de croissance qu’il enlève un à un, il découvre le jeune arbre resté intact au cœur du vieux tronc. Mais il peut aussi planter des arbres qui engloberont dans leur croissance des bronzes aux apparences végétales, tel l’Arbre des voyelles au Jardin du Luxembourg. Aux Pays-Bas, il a conçu un chemin en forme de branche (collection Eyck-Wijire) afin que l’homme y circule "comme une sève". "L’essentiel dans mon travail est de faire prendre conscience de ce qui existe et qu’on ne voit pas." Ses travaux sur les empreintes présentent l’être humain comme une matière qui donne trace. Car si Penone sait se faire fleuve pour éroder la pierre (Essere Fiume), il révèle aussi ce que le marbre a d’anthropomorphe par la mise en relief de ses veines douces (Anatomie).

2/2 = "Cyclop de Jean Tinguely (Le)" de Arné Steckmest (documentaire de 52 minutes)

Le Cyclop, sculpture promenade géante et monumentale de Jean Tinguely, est installée dans les bois à Milly-la-Forêt près de Paris. Manifeste des options esthétiques de son auteur, il est composé de matériaux industriels de récupération. Amis et artistes témoignent de leur collaboration et de l'évolution de cette tête géante à laquelle Tinguely travailla de 1969 à sa mort en 1991.

Membre fondateur du groupe des Nouveaux Réalistes, Tinguely a cherché dans son œuvre à dépasser par le mouvement et la mécanique le caractère statique de la peinture. Le Cyclop, auquel, à sa demande, Arman, César, Soto et Spoerri ont collaboré, est également un hommage à Klein avec son bassin placé au sommet qui reflète le bleu du ciel. Découragé par le vandalisme répétitif, il envisagea de vendre l’œuvre mais refusa de la voir partir à l'étranger. Finalement, elle devint, comme le dit Jean-Pierre Raynaud, une sorte de testament. Aujourd'hui, on peut visiter le Cyclop, assister à du théâtre mécanique, entrer dans un wagon suspendu, observer la descente d'une boule dorée le long d'un circuit, entendre les bruits de grincements et de chocs métalliques, mesurer l’œuvre avec la Jauge de Raynaud...