L’hydrocyclone : un nouvel outil de sciences participatives ?
Publié par Lise DURANTOU, le 13 août 2019 1.4k
Depuis trois ans déjà, l’association La Pagaie Sauvage associe partenaires universitaires et âmes volontaires, à travers le prisme d'une science impliquée à tous les niveaux autour de la problématique des microplastiques en eaux douces. Du raisonnement initial aux solutions concrètes mises en œuvre, en passant par la publication et le partage des résultats en conférences, les voies citoyennes se font entendre sur ce sujet qui touche chaque utilisateur quotidien des polymères. Ainsi, les premiers résultats mis en évidence dans le cadre du laboratoire citoyen nous poussent à repenser nos modes de vie et de production, en remettant en cause les modèles de distribution, de conservation, de transport, mais aussi nos modes de production agricole et industrielle. De nombreuses pistes sont à creuser, pour mieux comprendre, mais aussi mieux agir.
A ce stade de la prospection, la première piste évidente est celle de la qualité de l’échantillonnage. L’analyse fastidieuse doit être optimisée grâce à la qualité de l’échantillonnage préalable, qui en est en partie la clé. Ainsi, L’élaboration d’un nouvel outil capable de concentrer les microparticules tout en augmentant les niveaux de filtration pourrait répondre adéquatement à l’amélioration des techniques.
Les méthodes proposées par l’association sont basées sur des techniques simples et libres de droits, soigneusement établies en fonction des populations susceptibles de participer et des enjeux territoriaux. Plus spécifiquement, la conception d’outils de sciences participatives répond à une demande adéquate entre les contraintes des utilisateurs et les exigences fixées par la communauté scientifique, garante de la validation des données collectées. En effet, ces outils doivent correspondre à la problématique soulevée sur le territoire étudié en fournissant des données exploitables par les participants à l’étude : ils doivent être simples à réaliser, bons marchés, et efficaces. Plusieurs de ces outils sont utilisés actuellement dans le cadre de l’observatoire du microplastique, et sont les dispositifs de collecte microplastique dont les matériaux sont principalement issus de la récupération d’objets courants :
- Le filet BASA (Bongo Artisanal de Sciences Citoyennes Aquatiques) a été conçu début 2018 conjointement par l’association et le laboratoire SIGMA-Clermont pour s’adapter aux expéditions organisées par celle-ci, exclusivement en canoë. Ce filet, inspiré du filet manta et du filet à ichtyoplancton a servi pour 260 prélèvements. Sa maille fixe et son diamètre assez large lui confère efficacité et robustesse. Inconvénients : relativement onéreux pour les usagers (environ 100 euros) et prédisposition au colmatage importantes.
- Le BabyLegs : créé par Max Liboiron du CLEAR Laboratory, Il a été modifié en collaboration avec la chercheuse canadienne pour adapter le protocole d’utilisation au territoire français. Ce dispositif a permis l’échantillonnage de plus de 70 prélèvements. Pratique et simple à réaliser, il est accessible à tous. Inconvénients : sa maille est extensible, et les risques de contaminations sont élevés.
Dans les deux cas, les matières collectées (végétaux, minéraux, déchets) ne sont pas triées et peuvent rendre les analyses considérablement plus longues. Nées de l’expérience, la création d’un nouveau dispositif adapté aux problématiques soulevées doit passer par une longue phase de test et de calibration…
- L’hydrocyclone
L’hydrocyclone est un système qui parle à peu de personnes. Pourtant, bon nombre d’entre nous l’utilise sans même le savoir : un aspirateur sans sac, un moteur d’avion... Cette façon de séparer particules et fluides en fonction de leur densité est largement exploité par les fabricants d’objets de la vie courante ou par les industriels.
Dans le cas des microplastiques, ce que nous intéresse est de séparer la fraction dense (minérale : sable, graviers..) et la fraction légère (matière organique et plastiques). Une fois distinguée, la fraction minérale peut être éliminée pour faciliter l’analyse visuelle qui précède habituellement la séparation par densité. Celle-ci est réalisée en laboratoire, après un traitement chimique destiné à éliminer la matière organique, et grâce à des colonne de séparation par densité. Cette opération est une étape assez longue puisqu’elle fait intervenir la gravité et le temps. C’est donc pour investiguer une alternative plus rapide que les membres de La Pagaie Sauvage s’unissent à nouveau à l’équipe de Vincent Verney du laboratoire Sigma Clermont le temps de concevoir un outil basé sur le fonctionnement des cyclones hydrodynamiques (hydrocylcones) capables de pré-trier les particules mécaniquement.
Plusieurs prototypes ont dû être réalisés avant de pouvoir effectuer les premiers tests. Différents plastiques aux différentes propriétés ainsi que différents modes d’impression 3D ont été testé pour pouvoir définir les meilleurs méthodes de conception, alliant résistance à la pression exercée par l’eau lors des prélèvements et durabilité. A l’issu de plusieurs mois de tâtonnements, les plans de l’outils sont prêts à être partagés au réseau des participants du laboratoire citoyens. Les volontaires pourront tester d’ici quelques jours cette nouvelle méthode et participeront activement au développement de cet outil nouveau-né qui mérite une phase de tests et d’observation sur un moyen terme. Évidemment, il n’y a pas que les aspects techniques qui entreront dans la balance pour savoir si oui ou non l’hydrocylcone est efficace dans le cadre du laboratoire citoyen Il restera un certain nombre de questions sociales et éthiques à se poser : la durabilité de l’objet, la production de déchets plastiques à l’impression 3d, et d’une façon plus globale, notre relation aux polymères, entre rejet et respect, qui reste un sujet au cœur des préoccupations de l’association en tant que solution.
@Lise Durantou