Sciences participatives et microplastiques : premiers résultats
Publié par Lise DURANTOU, le 4 février 2019 870
Depuis 2 ans, La Pagaie Sauvage propose aux citoyens et aux chercheurs de travailler ensemble sur un pollution naissante : les microplastiques. Ce sujet, de par l'ampleur et les risques de leur dispersion intéressent sans cesse un nombre croissant d'individus. Leur accumulation dans les écosystèmes marins a été rapportée dans la littérature depuis les années 1970, mais de nombreuses questions restent en suspens. En novembre dernier, la conférence internationale MICRO 2018 a été l'opportunité de partager les connaissances disponibles, de combler les lacunes, d'identifier de nouvelles questions et de nouveaux besoins en matière de recherche et de développer des engagements pour la mise en œuvre de solutions.
Nos bénévoles y ont présenté les résultats fraîchement obtenus grâce à l'engagement du réseau d'acteurs grandissant qui contribuent chaque jour à cette étude nationale.
La première réussite est humaine : en associant partenaires universitaires et âmes volontaires, nous constatons aujourd'hui les effets d'une science impliquée à tous les niveaux. Du raisonnement initial aux solutions concrètes mises en œuvre, en passant naturellement par la publication et le partage en conférences, les voies citoyennes se font entendre sur ce sujet qui touche chaque utilisateur quotidien des polymères (beaucoup de monde). Car plus qu'une science participative où le citoyen reste en dehors du processus de réflexion, la mécanique opérée est celle qui mobilise le plus grand nombre de points de vue aux différents moments de l'action. La Pagaie Sauvage, c'est cette toile entre ceux qui adhèrent, ceux qui réalisent des prélèvements, ceux qui donnent de leur temps, ceux qui offre leur avis, ceux qui nous soutiennent (même de loin), ceux qui analysent, ceux qui écrivent, ceux qui traduisent, ceux qui observent, etc... Toute l'énergie fournie par toutes ces personnes se trouvera prochainement dans une publication dans laquelle apparaîtra clairement la force de cette intelligence collective qui l'a fait naître : 28 bénévoles (dont 9 associations, 2 communautés de communes, 1 établissement public et 7 établissements scolaires), 3 chercheu(ses)(rs), 16 étudiants, plus de 100 personnes impliquées, et 254 points d'analyses.
Tristes, mais sans surprise, ces premiers résultats nous poussent à repenser nos modes de vie et de production, en remettant en cause les modèles de distribution, de conservation, de transport, mais aussi nos modes de production agricole et industrielle. Depuis l'an dernier, 246 échantillons ont été récoltés et analysés. Le grand gagnant est sans équivoque le PE (polyéthylène) avec 49% d'occurrences dans les échantillons. Loin derrière se trouvent le PS (polystyrène) (18%) suivi par le PP (polypropylène) avec 12% d'occurrences. La présence d'EPDM, (Etylene-Propylene Diene monomer), de CE (cellophane), de PET (Polyethylene Terephtalate), de PVC (Polyvinyl Chloride) ainsi que d'autres polymères (Polyamide, Ethylene Vinyl Acetate, Polymethyle Methacrylate, Polydimethyl Siloxane...) indiquent une diversité des sources de microplastiques à considérer : emballages et sur-emballages, certes, mais aussi le caoutchouc de pneus, les fibres de vêtements synthétiques, les poussières de polissage de vernis, colles et silicones. De nombreuses pistes sont à creuser, pour mieux comprendre, mais aussi mieux agir.
D'ores et déjà, la présence de fragments d'emballage consolide notre intérêt pour des actions citoyennes de ramassage réguliers. Action la plus vaste, mais aussi la plus utile à grande échelle ! De nombreuses expériences montrent que ce type d'actions, aussi fastidieuses qu'elles soient, peut aussi être un moment satisfaction collective où il est possible, par exemple, de se familiariser avec les sports d'eaux vives : Opération Nive zéro déchets, Association Per l'aïga.
Néanmoins, les perspectives d'entrevoir les différents caractères des territoires étudiés sont grandes. Une mention spéciale est donnée autour de l’expédition citoyenne NERRI sur la Garonne au printemps dernier, avec plus de 112 prélèvements réalisés uniquement sur ce fleuve. Une hypothèse de travail apparaît après les premiers résultats : des occurrences inattendues n'attendent qu'à être vérifiées par l'équipe de Vincent Verney au laboratoire SIGMA de l'ICCF. De grands progrès sont attendus cette année en terme d'outil de prélèvement, grâce à l'aide octroyée aux projets néo-aquitains de CSTI.
En attendant la levée du suspens, cette expérience unique nous ramène au plus proche des rivières que nous aimons sauvages, certes, mais aussi habitées, empruntées, bref. Vivantes !